Nombre total de pages vues

vendredi 31 décembre 2010

lien poezibao - Florence Trocmé

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/01/machine_lire.html

Cinq mètres du temps de la nuit mon amour - Comédie du Livre 2005

en 2005, dans le cadre de la Comédie du Livre à Montpellier, j'exposais l'objet poétique "17.50 mètres du temps de la nuit mon amour", réalisé en collaboration avec le plasticien Pierre Callon.
Ce texte, initialement écrit sur un rouleau de 5 mètres sur 5 cm, a été reproduit en grand format en un exemplaire unique (imprimé lettre par lettre à l'encre sur tissu).

Le rouleau grand format (17.50 mètres - coutures réalisées par Anissa Roschdi) a ensuite été inséré dans une « machine à lire » conçue avec Pierre Callon 

Il existe une version éditée à 200 exemplaires (rouleau de 5 m x 10 cm), disponible sur demande – 10€ + frais de port. Me contacter par mail.


Cinq mètres
du temps
de la nuit
mon amour


Sur la taie
ce matin tôt
je suis tombé
comme l’oiseau
du lit douillet
bec à bec
sur un rêve
imprimé. Un
inventaire où
Tout se révélait
qui racontait
toute l’histoire
sur des mètres
de rêve l’histoire
se déroulait
sans doute comme
à l’article de
la mort l’histoire
redéfile
découd parcourt
tisse retisse le
fil des rêves
intouchables.
Elle montrait,
la longue histoire
imprimée le long
d’un fil ténu,
un homme au beau
milieu d’un chant
et qui sourit.
L’homme au cœur
d’un indicible
chant, vaste,
spacieux, sans
fin. Chant d’orge
sirupeuse silhouette
d’un homme sucre
paisible épouvantail
posé au beau milieu
de kilomètres
de silence, perché.
L’homme au frais
regard marine
sur la pelote sèche
de l’onirique histoire
Et comme il souriait
Et comme son sourire
s’entendait de loin
Et comme il était
impossible de
l’inviter, de lui
dire d’avancer
Et comme la laine
partait loin dans
la lande du rêve
Muraille invisible
en serpent parmi
les monts de Flandres
et le massif
armoricain
Petite mélodie au
timbre de laine
aux résonances d’orge
Virevoltant petit air
dans la tête pris
dans les courants
en nage dans les vents
Mélodieuse silhouette
posée dans le soleil
de l’homme croqué
par l’un des rayons
de mon rêve
Enveloppe dans l’urne,
mon homme en rêve
mon intouchable amour,
doté d’yeux mordorés
qui ne jouira pas
de mon pardon
la nuit de son trépas.
Je tomberai avec.
Tombé l’oiseau douillet
la tête première du nid
Brisé le fragile œuf
Mille morceaux le rêve
Toutes les images
réfléchies à l’infini
Œuf miroir planté
éparpillé sur les racines
mimosas au cœur
de la plaine sous l’œil
étonné des lapins
dérangés dans leur coït
Mille monceaux de terre
Terrils d’antiques activités
Humaines. Je tomberai avec.
De la même façon
que nous descendions
au fond des mines
que nous grimpions
dans les branches
de l’aube de nos corps
et sillonnions les routes ;
du même amour
qu’au fils porte la mère ;
avec le souvenir des joies
des joues inlassablement
baisées, des galbes offerts
des sexes célébrés
des mains couvertes de
caresses, de tout ton
poids sur mon poids,
des constellations de
secondes, d’instants
filants ; avec la
remembrance
d’un peuple de secondes
réclamant haut et fort
son dû de jouissance ;
avec, en nos deux
têtes, l’obsédant souvenir
du si petit peu de temps
que nous eûmes
ensemble ;
avec la mer du nord
pour unique montagne ;
mon cruel et bien réel
Amour, moi qui pensais
que tout n’était que rêve
moi qui me détachais
d’office, qui partais
souriant et léger
la mort dans la main
en arrachant de temps
à autre un anodin
pétale, ne pensant
pas un seul instant
qu’il pût y avoir
le moindre petit
quelque chose de vrai
dans Tout ça…
Mais il le faut admettre
maintenant que sur
la taie repose le ruban
qui montre qui prouve
qui scelle
qui parle de lui même :
il n’y a que de l’existence.
Et la fleur de la mort
n’est pas dans notre main,
impossible senteur
invisible couleur.
Tout ce qu’il y a
c’est cinq mètres de
poème cinq mètres
de temps et d’escalier
roulant que mettent
les yeux à descendre
Que je puisse t’écouter
t’apercevoir par le hublot
poser en moi l’image
de ton corps sentir
en moi tes yeux briller
Voilà tout ce qu’il y a ;
de la même façon
mon intouchable amour
que mon rêve te croque
ton nom s’imprime
mordille la matière
Ton nom se laisse
toucher dans la taie
Il bande à cent quatre
vingt six reprises, il
te parcourt des pieds
à la tête, il te dit ;
de la même façon
que te disent tes yeux
que racontent tes absences
que voyagent tes odeurs
ton nom t’appelle
et c’est moi qui réponds.
Chaque centimètre
d’amour compte.
Chaque gramme d’âme
Chaque envol de peau
Chaque reste de voix
Chaque goutte de mystère
Chaque fois possible
Chaque écho de langue.
Descends, descends !
Continue de lire
Continue de lire
Parle encore de tout ça
de l’histoire de l’homme
Remplis encore, comble !
Vite, donne de l’existence
à qui mieux mieux
Fouille la merde universelle
Reviens de nulle part
Et parle !
Vite vite vite vite vite vite
L’homme au beau milieu
du chant s’arrêta de
sourire, je le sentis
fuyant et, bien qu’irréel,
mon rêve était tenace
Mon rêve n’avait qu’une
envie : le tenir le retenir
le prendre à mes filets
l’inscrire pas pour du
beurre à ma présence
Mon homme, vers où fuis-tu
lorsque tu sors du champ
de mes visions d’amour -
Dans quel non sens
M’abandonnes-tu ?
Ne t’évade plus de moi
Ne disparais pas, ne sois pas
farouche ni évanescent
Demeure en mon pouvoir
Ne me lasse pas de voir
Ne transgresse pas la loi
du rêve que j’ai de toi :
ne t’enfuis pas du cadre
Ne sois jamais mort
Ne sois jamais mort
Ne sois jamais mort
Ne sois jamais mort
Sois ma vie
et tout ce qui s’ensuit
Sois le bouquet de tournesols
mon jaune ma chaleur
Sois l’œil sans lequel
l’histoire est inodore
Respire toute ma vie
Dégage l’odeur des songes
Souffle sur mes paupières
et tout ce qui m’ennuie
Fais ronronner l’âme
Fleuris partout en moi
Passe le seuil et reste là
Installe-toi grave-moi
Obéis sans sourciller
à chacun de ces ordres
que je donne en offrande
Il fait si peur en ton absence
Contemple-toi dans mes amandes
Reflète-toi pose tes lèvres
où bon te semble
Fais-moi neiger
Fais moi pleuvoir de rire
Jouis de tous tes droits
Gratte-moi le ciel
Laisse aux vents tes pollens
Croîs en moi
J’ai mille butins
à te voir me dérober
Bénis nos corps, bénis
encore, béni sois-tu dans moi
Béni sois-je dans toi
au comble de nos corps
nous habitant l’un l’autre
Et les lèvres pendues
Et les rêves vécus
Les membres épousés
à cet instant précis
trouvant sens à ce monde
nous deux dans nos regards
maintenant le suspens
Puissent nos cœurs lâcher !
Puisse la mort dans ses
filets nous cueillir ; soudain
Puisses-tu cesser de battre
à cet instant précis
où ma chair cessera
de recevoir la vie
Puisses-tu puiser en moi
la force d’abréger
la souffrance qu’aimer
nous inflige en cessant
Puissé-je te quitter
en me soudant à toi
et disparaître mieux
enroulé dans tes bras
Mais je n’ai encore rien dit,
Mon petit lion,
Mon frère, mon ami,
ni de l’histoire de l’homme
ni de la vie, ni des miracles
ni de l’amour.
Vois, le temps se déroule.
Un bouquet dans un vase
affronte le soleil
et nous demande à tous :
Pourquoi faner ?
Vois, je n’en suis
qu’à la première question.
Le récit de ce rêve
ne fait que commencer
sans cesse.

Il y avait une fois

veut dire il n’y a jamais eu.
Mais, il y avait une fois
un homme dont l’histoire
avait pris tout son sens
au sein du rêve
d’un autre homme.
Le temps, longtemps, a
défilé, sans à aucun
moment montrer le bout
du nez de cet homme rêvé.
Des cycles sont passés.
Et passeront encore…
Des rondes de peuples
autour de feux ont
lancé leurs idées, levé
les yeux aux cieux ;
on a bouclé des boucles
fait défait des nœuds ;
mais quant à nous

Deux,

personne jusque là
ne nous avait inventés.
En ce temps-là,
alors, né de multiples
naguères, fait de
tant de jadis,
nos peaux étaient
inconcevables :
elles germaient en
silence dans les prières,
le labeur et l’existence
de nos ancêtres.
Nos peaux, alors,
étaient comme mortes,
prêtes à naître.
Elles n’étaient pas.
Elles gisaient en
paix dans l’attente
du souffle. Elles
recouvraient des
tables, des meubles,
des autels ; c’était
un tissu, une nappe
une mer d’huile
une seule dimension
et pas un grain de vent
pas l’ombre d’une ride
l’once d’un geste, ni
l’once d’un bon sens.
Tout ce qu’il fallait
c’était attendre.
Le temps.
Le nombre.
Les dimensions.
Que mesure se fasse.
Ores,
tu n’avais rien
de l’eau. Je n’avais
rien de l’air.
Nous n’avions
rien à voir avec la vie.
Nous ignorions la lave.
Mais, une montagne
s’est mise à nous couler
à nous fondre nous
geler nous déparalyser,
pousser au dernier bout
de l’éternel impossible,
l’inexistante éternité
que nous connaissions
sans la vivre.
Toi, la peau, l’homme,
l’homme, la peau
parcourus par ce long
ruban de rêve que
tisse l’onirique main mienne.
Pourquoi est-elle si
longue la mort ?
Pourquoi sont-elles
sœurs
nos mains, l’absence
la tempête les joies
la jouissance et
l’amère conclusion ?
Pourquoi sont-ils
frères
le chemin, le présent
le silence le fou
le paroxysme et le précoce
terme opéré ?
Comment prend-il vie
ce Parchemin
ce fil cette pellicule
que concoctent mon
ventre et mon labyrinthe ;
comment se fait-il ?
Mon texte / ton miroir
Mon sublime pis-aller.
Croisement de lignes
de volutes, souplesse,
liquidité, boucle,
ajoutée aux boucles,
odeurs parcheminées ;
mon ode à ton seul nom.
Et vivent les longueurs !
Vive la durée nécessaire
à lire ma bandaison
manuscrite…
C’est mon orgueil de pharaon
qui parle, qui prie
l’absurde, défie la
vanité en préparant
la momie de notre amour.
Elle reste notre soulagement.
La douceur de la bande
Velpeau, le vélin de coton
la lente et chaude douceur
pansant la dureté du
cuir de toute chose :
la brève et intraitable
Réalité.
C’est simple :
il faut prendre soin
de l’énergie et
accepter de la dépenser
allègrement.
Voilà comment il se fait,
ce texte soleil.
Ici, point de tristesse
mais un chant de tournesols.
Erection lumière.
Larmes des fêtes.
Bites célestes.
Explosions des corps.
Constellations
d’âmes multicolores.
Eternelles suspensions
de nos êtres loupiottes,
mon cœur.
Tu n’avais rien de
l’eau. Je n’avais rien
de l’air. Nous
n’avions rien à voir
avec l’immensité
mais la mer
s’est mise à nous célébrer
de mèche avec la terre :
nuages, nous flottons,
nous repassons par là ;
nous sommes ce qui
fait causer du temps.
Un reste de petit rien
en forme d’éléphant,
de trompette, d’Angleterre,
de sorcière, de cœur,
en forme de rêve d’enfant.
Ce qu’ils ignorent,
les nouveaux-nés ayant
le luxe de rêver,
ce qu’ils ne peuvent
pas comprendre,
c’est ce qu’est le
tonnerre, et pourquoi
la si vive lumière
de l’Eclair…
Comment pourraient-ils
se douter qu’il s’agit
de nos corps, qui
s’entrechoquent, qui
se pénètrent, qui
continuent de s’adorer,
dont le plus grand plaisir
-durant cette éternelle
vie de nuage-
est la jouissance ?
C’est ainsi que le Temps passe.
Voilà comme il faut jouer :
espérer, convoiter l’éternité
jouer à croire
mais se douter un peu
qu’on est pas bien sérieux.
Vois donc, le temps
nous joue son mauvais
tour. Fanons donc,
flânons en liberté –
pendant ce cour pince-
ment du cœur.
Pince-toi et Pince-moi
sont sur un bateau
Pince-toi tombe à l’eau
Pince-moi désespéré-
ment tente de le
sauver > il jette des
bouées, des perches,
des filets > ses cris
résonnent en vain
sur la mer d’huile…
Que reste-t-il à faire…
s’en retourner à quai,
errer sur les ports morts,
subir les secondes ?
Crier sans cesse à
la mer d’huile qu’elle
cesse son petit jeu,
que ce n’est pas drôle ?
Observer le ciel, guetter
un clin de nuage ?
Tomber à son tour
à l’eau, qui mettra
terme à tout ce bruit, tout
ça pour des quenelles ?
Reprendre la barre
parce que l’océan est plein
de poissons inconnus, le
ciel de couleurs inédites ?
Pince-moi préfère songer,
il agira en conséquence,
plus tard…
Vois encore, je n’ai pas
encore commencé le
récit de l’histoire
car c’est un poisson
de rêve, glissant entre
les doigts. Car n’y a
ni fin ni commence-
ment, ni vérité ni
mensonge à dire.
Que songe, que songe…
N’y a que cohue,
bohu, tohu, caha,
cahin. N’y a qu’nuit.
Texte Sommeil.
Lustre à facettes.
Orangeades en pluie.
Serpent Palabre.
Meuh-meuh dans la tête.
Bla bla ex-b.a-ba.
Sauras-tu voir, dans
la gravité du noir et
de l’encre, sous la ligne,
à quel point de réjouissance
se grave ma spirale ?
Enroule, déroule-là,
sens l’épaisseur de
cette fine peau, sens
la fragilité. Un peu
du relief, de la matière
de laquelle nous sommes,
à l’intérieur ; nous
les boules de feu,
les deux escargots
en vadrouille…
Mon enfant à la bouche
pleine d’encre, coquin,
passe le ruban sur tes
lèvres, mouille ma peau,
repais-toi, prends,
bois à la fontaine,
garde le mystère pour
toi tout seul.
Bel homme au cœur
du noir et du blanc
Corps de mon songe,
vie autre
sur sa rive,
faisant signe de la
main d’un bateau.
Silhouette détachée,
rose apprivoisée
mais pour combien
de temps ?
Détachée du blanc,
estampe, ombre,
branche d’écume
noire des vagues en
négatif, avancée
dans ma Terre,
corne de ma brume,
ta peau dans la faible
lumière de la chambre
dans le fin espace
du ruban coït…
Ma chair te nomme,
du doigt te désigne.
Mes lèvres champagne
se laissent boire
Mes cheveux cuivre
balayent ton nombril
Le menton plongé
dans le pubis, ivre.
Dans l’entre deux
bande ton âme.
Jaillissent tes mots,
nos kilomètres de silence
mes incitations à
la débâcle. Puis
apparaît une fonderie
les meutes de salamandres
brûlantes, le vacarme
des laves, la fusion
des sangs froids
et des sangs chauds.
Des figures reptiles
Des glissements sous terre
La violence des barres
de métal, la soude,
les fers, les usines
de recyclage des corps.
Apparaissent des masques
ancestraux, des échos
de rites, d’anciennes
danses contemporaines
de vingtièmes siècles
oubliés
Des langues diaboliques
poussent allègrement
dans des jardins d’anus
La coupe du plaisir est
pleine. Dieu se fait
prendre : ses yeux pétillent
son dos se cambre,
brûle son haleine
L’iris se perd dans
les hautes températures,
se dilate l’étoile.
Sur la taie
tard dans la nuit
les ongles dans le drap
qui borde l’univers,
Son visage
grogne, flanqué dans
l’oreiller et savoure
en s’esclaffant
le spectacle bestial
auquel se prêtent
ses créatures.
Son front ruisselle
l’extase se lit
sur Son sourire.
Voilà ce dont est capable
l’homme épris de vengeance :
pourfendre l’éternel
outrepasser tout
élaborer l’ignominie.
Dans un ultime envol
lyrique et absurde,
défoncer le cul de Dieu
et se moquer des
représailles.
Revendiquer l’indignité
Oser l’innommable.
S’ébahir au feu
d’artifice des chairs
qui pétaradent,
des statues effondrées.
Il faut faire tourner l’usine
aller jusqu’à la transe
des tubes, des tuyauteries
des machines. Il faut
l’ébullition, la lave,
l’enflure des veines,
la turgescence de l’acier
l’hypertension de la
matière, un début
de brèche, un espoir
de faille sur la Toile
enveloppant l’Espace.
Vois, mon amour,
le jour est calme.
La brise est douce.
L’animal achève
De tisser le vélin.
On entend couler
Une eau fraîche.
La vie reprend,
quelque part, loin,
dans l’avenir,
sous un soleil de plomb.
Nous détenons un
trésor : une constellation
de secondes.
Nous décorons notre
intérieur de ces guirlandes
et préparons la fête.
Un peu d’alcool nous
fait ricaner, bientôt
il sera l’heure
d’ouvrir le Présent.
Je sors le rêve du four
lève mon verre
à tes lèvres, te souhaite
tout ce qu’on peut
imaginer.
Tout le Bien
pour cette nouvelle
vie qui débute.
Qu’as-tu eu l’idée
De m’offrir ? C’est l’heure…
Tiens, quelle coïncidence !
Nous avons eu la même
idée : un fil d’Ariane
une boucle bouclée
une vision mystérieuse
un ruban de rêve…