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vendredi 31 décembre 2010

L'Ivre Miroir - extraits 4 (La Peur)

L'Ivre Miroir

La Peur - extrait

5
Des projets de voyage, des tentatives d’évasion, des rêves de douceur, d’étrangers paysages, de nuits à la plage, de bain sous les lunes, des projets au loin de rivages rouges et grisonnants, les musicales ondes d’argent sur le lac tranquille à la belle heure criminelle. C’est un cul de sac au bord du Salagou où la lande lagunaire que le fer oxyde rougeoie. Ce sont des criques minuscules. A la lunette nous observons les cratères sombres sur la surface éclatante. Nous changeons de décan. Exultons de tant de beauté qu’immobiles roseaux et échassiers endormis à l’ombre sélénienne composent. Chinoiseries. Les Cieux profondément installés hébètent nos âmes qui, ce soir, perçoivent particulièrement comme des perspectives insensées, des trous mathématiques, nos regards qui ce soir pensent que des secrets vont être murmurés quant à l’organisation de tout Cela. Allongé j’attends, comptant à rebours, que capitule l’Univers, épuisé de nous laisser dans l’ignorance. Je patiente car je sais que ses clefs sont quelque part sous le paillasson de notre faculté de langage, devant la porte du cœur. Je sais qu’il est las de faire semblant de s’épandre sans fin lui qui est si petit et tout tourné vers lui-même. Je le conjure de se rendre. Tambours et trompettes dans mon cœur résonnent. Où je connais le mot chamade. Où je connais les mots-lumière. Où je pressens toutes les formules verbales probables. Je dis haut et fort à tout ce silence qu’un ton élégiaque est un ton de colère et que viennent les temps ici et maintenant de réconciliation de la prescience et du Présent. Maintenant je repense aux voyages passés, aux grandes évasions, à la douceur vécue, aux paysages vus, au réveil sur la plage où nos corps étaient nus, au bain pris de la folie humaine posant en tout instant un premier pas, à l’article peut-être de la mort qui sait se faire sentir poindre parfois, j’aime dans le miroir la couleur poivre et sel et la peau calme qui se ride, la beauté possible, vous savez, des phrases qui naissent sans cesse et s’échouent avec cet étrange grondement de lame sur la douceur d’antan de nos hanches de Pilat, je repense aux mots disparus aux expressions ensevelies qu’un jour sur le terrain de fouille un humanologue brossera minutieusement : « minuitieusement », « champlève la lagune », « racine carrée de nouveauté égale trinité » … que voulurent, en ces temps perdus, dire tous ces mots enfilés ? Ce sont ici-bas des cirques minuscules où des peuples de clowns inventent la drôlerie pour amuser l’enfance. Des zones militaires, des cendres de bataille, ce sont des jambes d’enfants qui trampolinent allègrement sur d’inutiles mines. Ici-bas ce furent des projets d’alliance, des sociétés secrètes, des fourmilières sous l’emprise des drogues, de la vitesse de lumière venue se scratcher sur un agrégat de roches, de gaz, de vents, dans les fossés que sont les âmes bordant tous les chemins. Ce furent des milliards de possibilités, des réseaux de connaissances, des milieux, des naissances heureuses, des constellations d’histoires d’amours défendues et de franches joies, de rougeurs sur les joues, de labeurs au soleil, de vendanges. Tant de temps de paix, de quiétude, d’harmonie, de symphonies et de plus grand pouvoir d’achat. Alors il nous faut à nous, chaque être, tenter de dire encore les rêves qui nous font et tout faire pour les vivre. Alors il nous faut, à nous chaque être, tenter l’impossible et céder à tous les diables. Rire aussi comme au premier fou rire en classe, intensément jouir encore aussi comme au premier émoi, je me suis allongé sur le sable rouge au Salagou en constatant que j’étais vieux déjà. Lorsqu’une larme en venait à couler, je faisais un vœu. Souriant, j’attendais la prochaine, qui surgirait on ne savait d’où de l’infini du ciel. Une nuit entière était passée, que je repassais en silence : j’allais maintenant rejoindre, à l’heure du scintillement mourant de la dernière étoile, l’aspect papillon d’une belle-de-jour. Je sentais mon liseron à deux doigts de s’épanouir et mon âme à deux faces entamait dans une douleur inédite le lent et violent retournement, la brusque sortie de son axe. Comprenions-nous ce que nous faisions, quels qu’en furent les motifs, quand nous tuions aveuglement ? Comprenions-nous pourquoi dans notre vie nous nous faisions tuer ? Comprenions-nous les phrases assassines et le mépris de nos indifférences quand l’autre suppliait ? Connaissions-nous que nous étions posés sur la lisière de notre puissance et de l’impuissance ? Qu’avions-nous à nous terrer dans le silence quand nous pouvions chanter ? Qu’avions-nous à laisser faire ? Que n’avions-nous davantage et peut-être mieux pensé ? Que vais-je, dans cette relativité générale, faire demain matin ? Un café labellisé commerce équitable.

Quand à la porte en pleine nuit toque comme une folle la poésie échevelée, faut lui ouvrir quand même. Elle va encore te sortir son putain de charabia ; ses arguments à 2 balles pour que tu la quittes pas ; tu vas encore subir son crachin de salive, ses mots bourbeux ; sa haine fétide; sa dégoûtation. Mais tu l’auras peut-être pas volé. De toutes façons tu dormais pas, une fois de + t’arrivais pas à fermer l’œil de la nuit, alors tu l’ouvrais. Tu reprenais tes anciens textes, des poèmes ados, tes velléités romancières, ta présomption outrancière à croire que tu ferais un jour un texte mémorable. Tu dormais mal car tu serrais les dents, ton foie était malade, ton passé ne te convenait pas, tu ne savais plus à quoi bon l’avenir. Tu disais tu pour dire je, tu disais il pour dire je, tu disais nous tu mentais, tu te taisais c’était pire. Mais il n’y avait dans tes projets que des espoirs de retour de cette folle avec ses pouls qui défonçait la porte de tes cœurs.

Pourtant tu avais bien écouté le message réconfortant de ton père, de ton grand père et de celles qui t’aimaient. T’avais lu, t’avais de la culture, t’avais des ressources, t’avais appris quand il fallait, tu étais un butin pour l’amour chercheur, t’avais croyais-tu la santé qu’au jour le jour pourtant en fumant en buvant en broyant du cynisme t’empirais. Le message disait prends soin de toi, porte-toi bien, à bientôt j’espère. Cela signifiait que tu comptais pour quelques-uns et cela suffisait. Tes frères, au plus profond, étaient avec le père, avec la mère, ce que tu avais de plus cher.

Alors le passé, comme la folle qui vient à ta porte en braillant, faut leur dire la vérité, leur parler, les écouter leur répondre avec franchise. Tout ouvert, pur, sans ambages, pas de mensonge.

Le présent seul compte, aujourd’hui que peut-être pouls se meurt.


6
Dans le roman faut du réalisme, de l’engagement mes couilles, du porno, du sentiment, de la critique sociale, des personnages hauts en couleur, une simplicité qui ne soit point naïve, du fil d’Ariane, de la sensibilité et de l’acuité en tous points de vue, un regard cohérent sur le monde qui lui soit salutaire – bien que ça se bombarde en tout point de la carte et qu’un grand roman, là-dessous, c’est un petit pet.
Il faut user du subjectif, de l’objectif, participer à la grande aventure de l’Homme qui produit, faire plaisir à qui lit, ne pas trop se répéter, bien développer, bien enrober, pas trop de virgules, traiter des grands sujets, philosophailler, savoir trouver savoir faillir, ne pas oublier que toute langue est arbitraire (donc éviter les jeux de mots en pensant par avance aux traducteurs des 26 langues), être conséquemment universel avec l’art de croquer dans le détail et la manière de la nuance. Miam. Ô, manger abusément à la table du probable ; une pincée de fantastique que relèvera pour qu’explose en bouche la touche de finesse finale : un imaginaire fantaisiste tout public duquel surgit avec force le don de l’autodérision. Ecrire comme on cuisine les fleurs, conter à l’enfant, toucher là où il faut, relire l’Univers à la lumière complexe de la récente Théorie des Cordes. Etre actuel et visionnaire ou n’être pas. Au risque de ne pas bien se faire comprendre eh oui le monde est compliqué, dans l’acceptation aussi de ce constat pas si triste que ça au fond et qui ne peut être démenti d’un éternel retour des mêmes interrogations, des mêmes thèmes, des mêmes drames et mythes qui sont la fondation de la littérature. Il faut savoir touiller.

Alors, reprenons, voulez-vous, le fil.
Adaptons à la sauce du XXIème. Annonçons, introduisons le génie littéraire du XXIIème et faisons comme les autres : soyons atemporels en cultivant sans se retenir nos fautes de goût, de style et d’appréciation. Sans se soucier d’après puisqu’après y’aura autre chose. La société littéraire, de toutes façons est morte depuis des lustres ou plus picturalement c’est une pauvre fille sur le trottoir (en + il pleut) que la société qui avance vraiment paie mal, reluque et maltraite quand elle ne l’ignore pas simplement. C’est le regroupement de peu de poids d’individus qui lorgnent une illusoire gloire et l’intelligentsia, qui pètent plus haut que leur cul, qui pèchent par paresse en se préoccupant de métalangage, dont l’ego est sidéral et dont la principale élégance est de ne pas faire partie de ceux qui meurent de faim. Même à être indispensables lorsqu’ils écrivent avec justesse, les écrivains sont inutiles lorsqu’ils parlent de justice. Car ppffff la justice, baliverne.
Faisons de belles phrases à l’ancienne, ce sera tendance dans l’intérieur aseptisé et sérieusement atteint neurologiquement de notre descendance –soit obèse soit rachitique- élevée à l’ecsta, aux graisses synthétiques et à la pensée unique et toc.

Reprenons, voulez-vous, notre courage, notre conscience et nos pouvoirs magiques. Il en va, puisque nous voulons sauver l’humanité (rassurez-moi, on parle bien de la même chose ?!), de l’intégrité et de la grandeur de notre civilisation bidon. Carine Doucet ne me contredira pas là d’ssus. Carine Doucet c’est moi ; le lac du Salagou c’est moi ; ta sœur c’est moi ; la Peur c’est moi ; le Ciel c’est moi ; allo, c’est moi, t’es où ?

Reprenons, voulez-vous, notre esprit d’Anciens, de Cartésiens, de contradiction, d’aventure, de philanthropes, de dessinateurs de grotte, d’analyse, d’entreprise, d’Egyptiens, nos esprits vitaux –subtiles émanations- du Bon et du Mauvais, et cætera.
Ensemble, construisons un monde meilleur. Unissons-nous          car          c’est       ensemble            que nous pourrons dire              confiants                et    sereins           à nos enfants         :         voilà ce que l’on vous laisse, un monde que ne régit pas la peur.     Vive la République.      Vive la France.       Vive ma gueule.      Vive le Nationalisme.      Vivent les camps.     Vive la Tour d’Argent.    Sauve qui peut.    Vivent les vacances.    


Allons, rions un bon coup, festoyons mes Sœurs, laissons tomber les masques, les voiles, les bures, les aubes, tombe la chapka, la burqa, roulons-nous dans la neige, soûlons-nous de vodka, sabrons les Salmanazars, baisons dans les saunas, dans les chantiers, chantons la carmagnole, prenons du Peyotl, lançons les képis au ciel, marchons, marchons, roulon-boulon, qu’un sperme impur abreuve nos sillons, nos faces de chaudasses et nos vaillants bidasses. Allons, mes enfants, ne vous laissez pas gagner par la morosité de la Sainte-Nitoucherie, touchez bien au contraire tant et tout que pouvez, sentez la bonté du monde, l’odeur de la joie, goûtez la turgescence, sentez le sang monter, sautez, moutons, sautez et dormez en paix. Ne vous perdez point à vous demander qui a tort qui a raison, en votre âme seulement penchez-vous et sondez comme le cœur vous guide, le songe porte conseil, méfiez-vous des discours et cherchez à savoir si ceux qui les professent et les inculquent au nom de Dieu sont des revendeurs d’armes. Si avec un peu de chance, vous tombez sur le gros poisson : celui qui ne les revend pas mais les fabrique, alors devenez criminel, On vous couvre. Quoique dans son grand âge il ne reconnaisse plus personne, Dieu reconnaîtra les siens. Allons, écoutez la voix de nos grands artistes : ne voyez-vous pas qu’elles sont jolies les filles de nos pays ? Pour alléger ta peine, sois un Narcisse et elle une fontaine, que de Beautés, que de Grâces écloses tu verras au jardin de ce sein verdelet et si le Ciel dans sa Grandeur n’est pas parfait, il l’est comme ce sein par sa rondeur car le parfait consiste en choses rondes. Rondoyons donc mes aïeuls, mes vieux, mes saligauds, mes frères, mes poulettes, mes ignobles, mes ennemis, à la lueur des flammes contemplons et au-delà du feu parcourons l’exquisité des corps de cette fable ronde et si vous êtes gros et moches vous n’avez qu’à organiser une Fat&Ugly Pride.

Il faut que ce monde et les choses bougent.
Les choses vont changer.
Il faut que ça change.
Bientôt ça va changer, j’te l’dis.
J’te préviens que si ça ne bouge pas.
La France en Mouvement c’est-à-dire : El Movimiento. La Movida. La RevoluciÓn.

L’ouverture de nos chakras, la conscience du monde et des peuples qui le fondent. L’ouverture, il la faut, de la plaie humaine et des rancœurs et de l’amertume et des déchets toxiques que les guerriers y déversent. Condamnation des sévices qu’à l’âme collective infligent. La plaie humaine est grande mais non incurable. Il est temps d’opérer à cœur ouvert. Faites du yoga, mangez du thon, des fruits frais des germes et des légumes, priez pour vos semblables. Entourez-vous de plantes aromatiques, de bambous, de lumière blanche ou tamisée et surtout closez les yeux.

Concentration absorption totale dans la musique.

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